[Resf.info] Un mineur isolé étranger dont le CD du Loiret avait la charge s'est suicidé

Un mineur isolé étranger dont le Conseil départemental du Loiret avait la charge s’est suicidé le 25 avril en prison.

Ce jeune avait été incarcéré 2 mois plus tôt pour viol.

Ci-dessous la lettre ouverte que Ségolène Petit et Chantal Thabourin, animatrices du RESF45 et du Collectif Jeunes Isolés Etrangers du Loiret ont adressée aux Conseiller(e)s départementaux du Loiret (publiée également sur le blog RESF sur Médiapart)

Lettre ouverte

Orléans, le 26 avril 2016

Mesdames et Messieurs les Conseillers du Loiret,

Monsieur le Président,

Un gosse dont vous aviez la charge est mort hier en prison.

De ce qu’il a enduré pendant son exode depuis le Mali, on ne sait pas grand-chose.

Il aurait du pouvoir s’en ouvrir à des éducateurs, à un psychologue, des médecins…

Mais il a du se contenter d’une chambre d’hôtel, du désœuvrement et de la compagnie d’autres jeunes aussi paumés que lui.

On sait qu’il a vu son frère mourir en mer, alors que lui en a réchappé.

On sait qu’il n’en dormait plus la nuit.

On sait qu’il avait une envie farouche d’aller à l’école et qu’il y était parvenu, en janvier.

Mais ça n’a pas suffi.

Non, toute l’aide que nous pouvons apporter à ces jeunes, toutes les batailles que nous menons avec eux pour faire reconnaître leurs droits ne suffisent pas à guérir leurs blessures et ne remplaceront jamais une réelle assistance éducative.

Quand la violence de l’institution, qui refuse ces jeunes et les laisse à l’abandon, s’ajoute à celle de l’exil, alors nous voyons poindre la folie.

Ce jeune venait d’avoir 17 ans. Il n’a pas su contenir cette folie et encore moins sa violence. Il y a à peine deux mois, il a blessé et détruit à son tour, en violant une jeune femme. Il a été incarcéré pour cela.

Et hier, il s’est suicidé.

Il a rejoint son frère mort en mer.

Il a rejoint tous ceux que les frontières tuent.

Il a payé de sa vie le prix que vous refusez de mettre pour accueillir tous ces gosses dignement.

Il y a quelques mois, vous nous accusiez d’avoir claqué la porte à l’une de vos réunions car nous n’acceptions pas que vous y refusiez la présence de représentants des jeunes.

Quand vous comprendrez que ces gamins sont avant tout en danger et donc à protéger et à être écoutés.

Quand vous admettrez que ce que nous faisons pour eux, et avec eux, ne crée pas d’appel d’air mais n’est qu’une attitude tout simplement humaine.

Alors, peut-être, pourrons-nous échanger.

Pour RESF45 et le COllectif Jeunes Isolés Etrangers du Loiret,

Ségolène Petit et Chantal Thabourin

Nous ne cherchons pas à trouver des excuses ou des explications simplistes à un acte criminel que rien ne peut justifier.

Nous constatons simplement avec effroi le dénouement tragique de cette histoire.

Nous dénonçons le manquement du Conseil Départemental à ses obligations en matière de Protection de l’Enfance, d’autant plus que la situation est ainsi depuis 2012 dans le département du Loiret. Et que rien n’a bougé, malgré toutes les sonnettes d’alarmes que nous avons tirées :

Les jeunes mineurs isolés étrangers âgés de 15 à 18 ans sont parqués dans des hôtels sans aucun suivi éducatif. Aucun travail d’information, ni de prévention, ni d’adaptation aux codes culturels. A eux de se débrouiller, de « s’auto-éduquer », alors qu’ils sont souvent dévastés par ce qu’ils ont vécu avant d’arriver ici, dans leurs pays d’origine et en chemin.

La seule aide qu’ils obtiennent est celle du collectif de soutien.

Nous ne voulons pas simplifier en disant qu’un suivi psychologique aurait pu empêcher ce jeune de commettre ce viol. Non.

Ce que nous prônons, c’est une prise en charge réelle et globale, qui permet à tout jeune de se construire positivement. Aucun de nous ne pourrait imaginer pour ses propres enfants le dénuement affectif et psychologique que subissent ces jeunes.

Nous répétons depuis 4 ans au Conseil départemental du Loiret que ces jeunes sont et se mettent en danger, en étant laissés à l’abandon et qu’une telle attitude ne peut que conduire à de graves problèmes.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à ce que nous redoutions.

Notre lettre ouverte est un cri de colère face au laisser aller et au mépris avec lequel s’est conduit jusqu’ici le Conseil Départemental.

Nous espérons simplement que cette histoire tragique, jalonnée de victimes, fera réagir ceux qui sont légalement responsables de ces jeunes en rétablissant une réelle assistance éducative.

Si vous voulez vous-même interpeler les élus sur cette situation et plus généralement celle de l’accueil réservé aux jeunes mineurs isolés étrangers en France, au mépris de la Convention Internationale des droits de l’Enfant et du Code de l’Action Sociale et des Familles :

Adresses auxquelles envoyer les mails de protestation :



Elysée Secrétaire général



jean-pierre.jouyet@elysee.fr



Elysée Secrétaire général-adjoint



boris.vallaud@elysee.fr



Elysée Directeur de cabinet



thierry.lataste@elysee.fr



Matignon Premier ministre



premier-ministre@pm.gouv.fr



Matignon Chef de cabinet



sebastien.gros@pm.gouv.fr



Intérieur Directeur de cabinet



michel.lalande@interieur.gouv.fr



Intérieur Conseillère immigration



magali.charbonneau@interieur.gouv.fr



Président du Conseil Départemental Loiret



hugues.saury@loiret.fr



Vice présidente du CD du Loiret



alexandrine.leclerc@loiret.fr