[Resf.info] Témoignage MIE : le slam de Lansana

A diffuser sans modération

https://blogs.mediapart.fr/jeunes-isoles-etrangers/blog/121118/slam-moi-cest-lansana

Bonjour à tous,

Moi c’est Lansana, je suis guinéen

D’origine koniankée

C’est mon histoire d’immigré que je vais vous raconter,

Vous aurez peut-être du mal à la supporter,

Mais aujourd’hui, devant vous, j’ai envie d’en parler.

Tu sais les eaux dont tu sors mais tu ne sais pas les eaux où tu Entres

Là-bas, la voix des armes me donnait mal au ventre.

Je prends la route avec cent euros en poche.

Je prend la route en quittant mes proches.

Je passe au Mali, en Algérie avant d’entre en Libye

Où les gens considèrent les migrants comme des bandits.

Ils nous maltraitent comme des traîtres

Mais tout ça m’a donné envie d’être

Très simple, très patient, très courageux

Car ma mère me disait de ne pas être orgueilleux.

Elle me répétait de ne pas me décourager.

C’est pour ça que je l’ai toujours aimée.

Tu sais les eaux dont tu sors mais tu ne sais pas les eaux où tu Entres

Là-bas, la voix des armes me donnait mal au ventre.

Après tout le temps de souffrance, à attendre au bord de la mer,

Les Libyens nous embarquent et après trois heures de mer,

On est arrêtés par la marine militaire.

Elle nous débarque et nous met en prison.

Là-bas, il n’y avait pas de solution.

On ne mangeait pas, on ne buvait pas.

On a décidé de s’évader, pour être loin de là-bas.

Mais le gardien a tiré car il ne voulait pas.

Il a même touché deux personnes à côté de moi.

Tu sais les eaux dont tu sors mais tu ne sais pas les eaux où tu Entres

Là-bas, la voix des armes me donnait mal au ventre.

Je rejoins un foyer, je travaille et je gagne mon argent,

Mais les militaires me le prennent finalement.

Je donne ma maigre pitance à partager

Et un Camerounais, touché,

Me donne cent euros pour ma traversée.

Je prends le bateau, me rends en Sicile.

Là-bas, je n’en ai pas fini avec les choses difficiles.

Un mois après, me voilà à Orléans, dans la rue.

La police me voit, me menotte, me place en garde à vue.

Le matin, je repars avec une OQTF,

L’obligation de quitter le territoire français… en vitesse.

Je vis à l’hôtel Coligny.

Maintenant j’ai le droit de rester ici.

J’ai vécu beaucoup de choses à mon âge,

Mais ça a quelques avantages.

J’ai vu l’enfer, je ne suis pas mort.

Ce qui ne m’a pas tué, m’a rendu plus fort.

01/02/2017

Lansana Kourouma

224 est ma fierté

Lansana est arrivé début juin 2016 à Orléans. Il avait 14 ans et 8 mois. Comme il l’écrit dans son slam, il a été arrêté, menotté et mis en garde à vue. Un test osseux lui a également été imposé. Car le Conseil Général du Loiret a refusé systématiquement tout nouvel arrivant MIE, entre juin 2014 et août 2016. Lansana a été relâché dans la rue au bout de 48 heures avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Durant l’été, il a pu trouver des solutions d’hébergement chez différents citoyens militants. Avec l’aide du COJIE*, il a pu faire les démarches en justice pour faire reconnaître sa minorité (première décision positive du juge des enfants début septembre 2016, confirmée en février 2017) et annuler son OQTF en novembre 2016. Nous l’avons également aidé à s’inscrire à l’école. Il est entré en classe d’accueil au collège dès septembre 2016. C’est dans cette classe qu’il a écrit son slam, en février.

L’ordonnance du juge des enfants pour une assistance éducative en septembre 2016 s’est traduit, comme pour tous les autres jeunes MIE à Orléans, par une mise à l’abri à l’hôtel, sans suivi éducatif. Lansana continue à venir aux réunions du COJIE car c’est là qu’il trouve le plus de soutien et de renseignements sur sa situation.

Depuis août 2016, le Conseil Département du Loiret a repris « l’accueil » des nouveaux arrivants. Mais cela se fait dans la douleur, car le personnel est très insuffisant pour pouvoir réaliser correctement et dans les délais le travail d’évaluation de la minorité de chaque jeune. Ils attendent souvent des mois avant de savoir s’ils vont rester ou pas dans le département. Tant que cette orientation n’est pas décidée, le Conseil Départemental pousse l’Education Nationale à ne pas scolariser les jeunes pour ne pas risquer de bloquer une place qui se libérerait ensuite…

Bien entendu nous dénonçons ces pratiques. Comme nous dénonçons la mise à l’abri en hôtels, l’entassement de plus en plus fréquent à 4 ou plus par chambre, le manque d’éducateurs et de places à l’école.

  • Collectif de Soutien aux Jeunes Isolés Etrangers du Loiret, fondé par RESF45 avec plusieurs associations et syndicats